
Parfois, je ressens en moi deux voix qui s’affrontent. L’une cherche à s’exprimer haut et fort, à accaparer toute la lumière, tandis que l’autre reste en retrait, saisie de doute, tapie dans l’ombre. C’est un déséquilibre intérieur, une danse maladroite entre un ego qui s’impose et une estime de soi qui vacille.
Je me demande souvent si l’équilibre consiste vraiment à choisir entre ces deux voies. N’est-ce pas plutôt l’opportunité de quelque chose de plus subtil, moins spectaculaire : apprendre à les faire cohabiter, sans bruit ni masque ?
Ce tiraillement, je ne l’observe pas seulement en moi. Il se manifeste chez les autres, lorsque des discussions tournent au conflit sans raison apparente, ou que des silences pesants, remplis de non-dits, s’installent. On pense alors être lucide, quand on est simplement sur la défensive.
L’ego aime avoir raison. Il juge vite, affirme comme s’il détenait toutes les vérités. Pourtant, ce n’est généralement qu’un rempart pour masquer une vulnérabilité. Donneur de leçons, il veut briller. En scrutant les failles des autres, il évite soigneusement d’examiner les siennes.

En face, il y a l’autre voix. Celle qui, dans un bruissement quasi inaudible, s’excuse d’exister, persuadée qu’elle n’est jamais assez : pas assez brillante, pas assez forte, pas assez aimable. Elle murmure à peine, quand parfois même se tait.
Je connais fort bien ce paradoxe, ce sentiment si familier, de prendre trop ou pas assez de place. Avec le temps, j’ai compris que ce n’était que le reflet d’une peur, qui n’a guère plus valeur que ce coquin d’ego qui fait son cinéma.

Le travail sur soi qui guérit et apaise, se fait dans l’ombre. Là où l’on apprend à se regarder sans fard, à reconnaître ses forces sans les crier et ses faiblesses sans s’en vouloir.
La valeur d’un être ne se mesure pas aux louanges reçues, mais à sa façon d’avancer, seul, dans le doute, quand tout ce qu’il croyait solide s’effondre.
Nous n’avons pas besoin de piédestal, mais d’un ancrage solide. D’une lucidité paisible, qui éclaire sans juger. D’une force qui ne cherche pas à dominer ni à écraser, mais à rester debout.

Alors, j’essaie chaque jour de ne pas laisser l’ego tout diriger. Je tends la main à cette part de moi qui doute encore. Ce n’est pas une guerre à mener, mais une harmonie à retrouver. Comme un funambule sur le fil entre affirmation et effacement, j’apprends à danser et composer – non pas pour briller, mais pour être plus vraie !
